Jose nous suggère d’assister aux célébrations pascales à Tilcara dont la réputation des cérémonies n’est plus à faire, alors en route.
Partis de Cachi, en moins de 180 km nous basculons d’un paysage semi aride sur fond de cordillère aux cimes enneigées,
à une forêt primaire humide d’une densité incroyable.
Entre ces deux environnements foncièrement opposés un simple col, le col de Piedra del Molino (3 457 m).
Une révérence à une chapelle perdue dans le sable, une longue, très longue montée sur une route asphaltée jusqu’au calvaire de la passe, une vue panoramique féerique au dessus d’une mer de nuages, une brève évaluation angoissante de la rude piste qui redescend et on s’élance en seconde au frein moteur cramponné au guidon. Et il vaut mieux pour éviter, trous béants sur la piste ou vaches divagantes. Les cactus encore présents s’entourent de végétation puis disparaissent pour laisser place, sur le bitume retrouvé, à une forêt luxuriante.
Nous voilà à La Caldera et pour être raccord avec le décor nous y passons la nuit dans un chalet (très chic) au doux nom cocardé de Mont Blanc.
Un arrêt déjeuner BBQ bord de route, plus loin, et nous arrivons à l’improviste à Tilcara.
Maintenant il va falloir dénicher un logement, comme d’habitude c’est Marcelle qui s’y colle et revient tout sourire au bout d’une demi-heure, une gageure compte tenu de l’affluence pour les fêtes pascales.
En ce vendredi saint nous entamons la journée par la visite de la « Pukara ». Mi forteresse, mi centre religieux sacrificiel précolombien surplombant le rio Grande de Juyjuy.
Une restauration à l’identique qui dévoile les techniques de construction de l’époque : large mur fait de pierres empilées, charpentes en bois de cactus et toitures constituées d’un mélange d’argile et de paille.
Au pied de la cité la “piedra campana”, servait-elle aux rituelles ou à sonner l’alerte ?
Le déjeuner nous réserve une grande première avec un filet de Lama.
Je sais, pas de viande le vendredi Saint mais l’envie d’y goutter était trop grande.
Au coucher du soleil débute la procession du chemin de croix.
Mais en préambule parlons des « ermitas ». Il s’agit des femmes artistes ayant réalisé les quatorze tableaux ornementaux qui jalonnent ce chemin de croix.
Un art natif syncrétisme du christianisme et des croyances ancestrales, la Pacha Mama. Et aussi un art éphémère puisque chaque œuvre est appelée à disparaitre dès le dimanche au lever du soleil à heure de la résurrection du Christ.
A y regarder de plus près, chaque tableau, d’environ trois mètres sur deux, est une mosaïque de grains de maïs, haricots, sable, quinoas, pétales de fleurs, etc…
Une technique unique transmise de génération en génération depuis plus de 400 ans.
Revenons à la procession, le soleil décline, les Sikuris, groupes de musiciens jouant de la siku (sorte de flûte de pan) accompagnés de tambours et crécelles, convergent vers l’église.
Les pèlerins envahissent le parvis.
A la nuit noire, le crucifix et son escorte de légionnaires romains sortent par le porche de la cathédrale suivis de la « Madre Dolorosa » drapée de noir.
Six disciples tout de blanc vêtus, nous font alors revivre l’épisode de la descente de croix et de la mise au tombeau (sépulcre symbolisé par un cercueil de verre) puis habillent la croix nue du linceul du Messi.
La procession s’ébranle précédée des Sikuris et suivie d’innombrable fidèles.
Le cortège fait halte à chaque calvaire pour y méditer et prier. Il mettra plus de quatre heures à parcourir l’ensemble des quatorze stations du chemin de croix.
Une soirée poignante et forte en émotion même pour un non croyant.
En ce dimanche, depuis les aurores la liesse de la résurrection résonne du charivari des Sikuris qui sillonnent les rues de Tilcara. Le Christ ressuscité apparaît aux fidèles dans l’allégresse et reprend place dans l’église.
En toute logique et sans exacerbation du pathos, la croix restera nue jusqu’au vendredi Saint suivant, date de la crucifixion du Christ, et seule l’image heureuse de sa résurrection rayonnera dans le lieu saint.
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